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Décès liés à la pollution atmosphérique en hausse

Une nouvelle étude démontre que la pollution de l’air aurait provoqué 8,8 millions de décès en 2015 sur l’ensemble de la planète, dont près de 800 000 en Europe et 67 000 en France. Éclaircissements.
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Les révolutions industrielles ont permis une forte croissance de l’économie et de la productivité, la mécanisation, le développement des transports et des télécommunications ou encore l’urbanisation massive. Malheureusement, ces grands cycles d’innovation ont provoqué un contrecoup sur l’environnement et surtout une surmortalité mondiale liée à la pollution atmosphérique. Des chercheurs allemands ont décidé de mener une enquête sur la pollution de l’air et les conséquences sur la santé humaine, et plus particulièrement sur les maladies cardiovasculaires. Les résultats de cette étude publiée dans la revue European Heart Journal mardi 12 mars 2019 sont tout simplement alarmants. Faisons un point sur cette nouvelle étude inquiétante qui démontre que la pollution atmosphérique peut avoir des conséquences néfastes sur le corps humain.

Décès liés à la pollution atmosphérique en hausse

Qu’est-ce que la pollution de l’air ?

La pollution de l’air, également appelée pollution atmosphérique, est une altération de la qualité de l’air causée par la présence indésirable de polluants biologiques, chimiques ou physiques dans l’air que l’on respire.

Selon la Loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie du 30 décembre 1996, plus communément appelée loi Lepage, LAURE ou encore Nouvelle loi sur l’Air, ces substances néfastes qui circulent dans l’air peuvent avoir « des conséquences préjudiciables de nature à mettre en danger la santé humaine, à nuire aux ressources biologiques et aux écosystèmes, à influer sur les changements climatiques, à détériorer les biens matériels, à provoquer des nuisances olfactives excessives. »

Les polluants atmosphériques peuvent être d’origine naturelle (bactéries, embruns marins, éruptions volcaniques, spores, pollens, poussières extraterrestres, etc.) ou anthropique, c’est-à-dire liée aux activités humaines, comme l’agriculture intensive, la production d’énergie, les industries métallurgiques, chimiques et extractives, la circulation routière, maritime et aérienne, ou encore les usines d’incinération des déchets industriels et des ordures ménagères, etc.

Bien que les polluants d’origine naturelle modifient la composition de l’atmosphère de façon non négligeable, les préoccupations actuelles sur la pollution de l’air portent essentiellement sur les polluants atmosphériques d’origine anthropique qui sévissent surtout en milieu urbain et dans les zones d’activité. Cela s’explique par la présence massive de foyers domestiques (monoxyde de carbone, particules fines en suspension, hydrocarbures aromatiques polycycliques, etc.) et d’industries (dioxyde de soufre, arsenic, cadmium, nickel, etc.), mais également par la circulation importante de véhicules à moteur (oxydes d’azote, plomb, benzène, etc.).

La pollution de l’air est devenue un véritable fléau

Une étude menée par des chercheurs allemands parue mardi 12 mars 2019 dans la revue European Heart Journal démontre que la pollution de l’air serait la cause de 8,8 millions de morts chaque année sur l’ensemble de la planète et près de 800 000 en Europe (dont 67 000 en France).

Ils estiment que 40 à 80 % de ces décès précoces résulteraient de maladies cardiovasculaires directement liées à la pollution atmosphérique.

L’un des auteurs de cette étude, le professeur Thomas Münzel de l’université de Mayence en Allemagne, affirme que « la pollution de l’air fait plus de morts chaque année que le tabac, responsable de 7,2 millions de décès en 2015 selon l’OMS (Organisation mondiale de la santé) », en ajoutant que l’« on peut éviter de fumer, mais on ne peut pas éviter d’être soumis à un air pollué. »

Selon les chercheurs, parmi les 790 000 décès liés la pollution de l’air qui ont eu lieu en Europe en 2015, 659 000 se seraient produits dans les 28 états membres de l’UE (Union européenne). Cette évaluation est largement au-dessus de celle réalisée par l’AEE (Agence européenne de l’environnement) qui estimait dans son rapport annuel publié en octobre 2018 que la pollution atmosphérique au dioxyde d’azote (NO2) émis par les moteurs diesels, aux particules très fines (PM2,5) et à l’ozone (O3) avait provoqué 518 000 décès précoces en 2015 dans 41 pays d’Europe, dont 480 000 sont survenus au sein de l’UE.

À l’origine, cette étude était principalement axée sur l’Europe, mais les chercheurs ont tenu à diffuser leur procédé de calcul à l’échelle mondiale grâce à un nouvel outil statistique. La méthode consiste à combiner les taux de mortalité et l’exposition aux polluants qui se base sur la manière dont les gaz atmosphériques interagissent avec les composés chimiques émanant de l’activité humaine comme l’agriculture, l’industrie, la production d’énergie ou encore les transports. Les chercheurs estiment ainsi qu’en 2015, près de 9 millions de personnes dans le monde auraient perdu la vie à cause de la pollution de l’air. Parmi ces décès, 2,8 millions ont eu lieu en Chine. Ces chiffres sont astronomiques et encore plus alarmants que ceux qui ressortent des dernières études.

Une moyenne mondiale de 120 décès par an pour 100 000 habitants

Le scientifique Jos Lelieveld, l’un des auteurs de cette étude, a précisé à l’AFP (Agence France presse) que leur équipe de recherche a « utilisé de nouvelles analyses des risques basées sur des données épidémiologiques, beaucoup plus larges qu’auparavant et provenant de 16 pays. »

Cela a démontré qu’en moyenne au niveau mondial, la surmortalité liée à la pollution de l’air est de 120 décès par an pour 100 000 habitants. En Europe, ce taux est de 133 décès par an pour 100 000 habitants alors que les contrôles sont beaucoup plus stricts dans les pays européens que dans d’autres régions.

Le professeur Jos Lelieveld explique que ce phénomène contradictoire est dû « à la combinaison d’une piètre qualité de l’air et d’une forte densité de population, qui aboutit à une exposition parmi les plus élevées du monde. »

La région la plus touchée est l’Europe de l’Est. La Roumanie compte chaque année 36 000 décès et l’Ukraine 76 000 ; ce qui correspond à plus de 200 décès par an pour 100 000 habitants.

L’Allemagne est également au-dessus de la moyenne mondiale avec 154 décès par an pour 100 000 habitants, alors que le taux de la France s’élève à 105 et celui du Royaume-Uni à 98.


Il devient « urgent » de baisser les seuils d’exposition aux particules fines

Les chercheurs allemands estiment qu’il est nécessaire d’agir au plus vite pour faire diminuer les seuils d’exposition aux particules fines. Actuellement, la limite annuelle moyenne pour les particules fines (PM2,5) fixée par l’UE est de 25 microgrammes par mètre cube, ce qui est « 2,5 fois plus que les recommandations de l’OMS. »

Le professeur Jos Lelieveld tient à préciser que « dans la mesure où la plupart des particules fines et des autres polluants de l’air en Europe proviennent de la combustion des énergies fossiles, il est urgent de passer à d’autres sources d’énergie. » En effet, le pétrole, le gaz naturel et le charbon représentent plus de 80 % des énergies consommées.

Dans un entretien indépendant de la publication de l’étude, Hans Bruyninckx, patron de l’AEE, a déclaré à l’AFP qu’« auparavant, on se concentrait sur les risques de cancer liés à la pollution de l’air ou les effets immédiats sur l’appareil respiratoire. Désormais, on comprend mieux le lien avec les problèmes cardiaques, les effets sur le cerveau ou les questions de reproduction. »