Fraude fiscale : L'administration pourra-t-elle collecter les données des contribuables sur les réseaux sociaux ?
Déjà annoncée il y a quelques mois, cette mesure avait soulevé de vives réactions. Le gouvernement revient à la charge en annonçant publiquement vouloir collecter des données sur les réseaux sociaux des Français, en vue de détecter d’éventuelles fraudes. La CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) est montée au créneau en émettant des réserves quant à la protection de la vie privée des utilisateurs.
Grande nouveauté dans le projet de loi finances 2020
Cette loi, débattue mardi prochain au Parlement, promet de grands chamboulements. Quelques fuites ont déjà été répandues sur les réseaux sociaux, mais cette fois-ci, c’est le gouvernement lui-même qui a décidé d’annoncer une toute nouvelle mesure.
En effet, dans le projet de loi, il est prévu d’expérimenter sur une période de 3 ans, l’exploitation et la collecte de données sur les réseaux sociaux et autres plateformes numériques comme les sites de vente en ligne (Leboncoin, Amazon, etc.).
Le but ? Épingler d’éventuels fraudeurs, ou du moins, collecter des preuves allant dans ce sens.
De quoi est-il réellement question ?
Par cette mesure, le fisc aurait donc la main mise sur les réseaux sociaux pour scanner des photos, des textes, des publications, etc. En d’autres termes, les personnes partant souvent en vacances aux quatre coins du monde ou se montrant régulièrement au volant de voitures de sport haut de gamme alors qu’elles ne sont pas imposables ou ne déclarent que très peu de revenus (voire pas) pourraient être inquiétées.
Déjà annoncée par Gérald Darmanin en novembre 2018, quelques associations de défense des droits et de nombreux internautes avaient montré leur mécontentement.
La CNIL monte au créneau
L’annonce publique de cette nouvelle a eu l’effet d’une bombe et la CNIL a émis des réserves quant à la possibilité légale d’interférer dans la vie privée des utilisateurs. La Commission nationale de l’informatique et des libertés a clairement fait savoir qu’une telle mesure est « susceptible de porter atteinte à la liberté d’opinion et d’expression ».
Le gouvernement a prévu des garde-fous
Le gouvernement s’est défendu, insistant sur le fait qu’il prendrait « toutes les garanties nécessaires » au respect de la vie privée des Français. À commencer par le fait de ne pouvoir collecter que les données dites « publiques ». Le Ministère des Finances publiques assure que celles-ci « seront détruites dans un délai de 30 jours si elles ne sont pas de nature à concourir à l’identification de manquements graves ou dans un délai d’un an si elles n’ont donné lieu à l’ouverture d’aucune procédure fiscale, douanière ou pénale. »
À ce titre, seuls quelques agents des administrations fiscales et douanières auront l’accès à ces données. Bercy indique qu’il s’agit simplement d’une « réponse aux évolutions de la société et aux limites de nos systèmes de détection actuels ».
Pour l’heure, les conditions d’application seront détaillées dans un décret pour lequel l’avis de la CNIL sera demandé. 6 mois avant la fin de l’expérimentation, le gouvernement s’engage à remettre un bilan au Parlement.
Le revers des réseaux sociaux
Gérald Darmanin laisse entendre que le terme de « collecte de données » reste fort. Il ne s’agirait en réalité que de contrôles ciblés par des mots-clés ou simplement des contrôles sur des personnes présumées grands fraudeurs. Un message qui se veut un peu plus « rassurant », mais qui n’a pas vraiment l’effet escompté auprès de la CNIL et des Français.
Toutefois, interrogé par Le Parisien, l’avocat spécialiste du numérique Anthony Bem indique que les réseaux sociaux disposent chacun de leurs propres conditions générales. Dès lors que celles-ci sont acceptées par l’utilisateur, il est difficile de plaider une quelconque violation de la vie privée. En d’autres termes, le gouvernement serait dans son droit de pouvoir y collecter des données. Néanmoins, la CNIL est moins ferme sur le sujet.