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La directive européenne sur les droits d'auteur finalement adoptée

Des mois de polémique et de lobbying acharné des GAFA (Google Apple Facebook Amazon) n’ont pas empêché les députés européens d’adopter la directive sur les droits d’auteur ce mercredi 27 mars. Les États membres auront désormais 2 ans pour transposer cette directive européenne dans le droit national.
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Le mercredi 27 mars 2019, malgré un fort lobbying des GAFA, la directive européenne sur les droits d’auteur a finalement été adoptée au Parlement européen. Sur les 658 eurodéputés présents, 348 ont voté pour, 274 ont voté contre et 36 se sont abstenus.

Les différents pays ont maintenant 2 ans pour transposer la directive dans les lois nationales. Qu’est-ce qui va changer ?

La directive européenne sur les droits d’auteur finalement adoptée

Vers une meilleure rémunération des auteurs

L’objectif principal de cette directive selon ses partisans est de permettre une meilleure rémunération des auteurs et des artistes lorsque leurs œuvres sont utilisées sur internet. Les GAFA s’y sont farouchement opposés, car pour les grandes plateformes comme YouTube ou Google se sont des sommes colossales qui sont en jeu dont une partie devra désormais être reversée aux artistes, auteurs et journalistes lorsque tout ou partie de leur œuvre sera diffusé.

« La création artistique européenne, son poids économique, équivaut à 536 milliards d’euros chaque année, c’est 7 200 000 emplois alors je comprends qu’ils se comportent comme des terroristes “Pac-man”, qu’ils veuillent manger cet argent et qu’ils ne veuillent pas payer », a expliqué sur France Inter Jean-Marie Cavada, député européen et défenseur de cette mesure.

Quels changements peut-on attendre suite au vote de l’article 15 et de l’article 17 ?

Ces deux articles sont les plus controversés de cette directive européenne sur les droits d’auteur. Ils étaient anciennement connus comme l’article 11 et l’article 13.

L’article 15 impose la rémunération des éditeurs de presse par les plateformes qui utilisent leur contenu comme c’est le cas lorsque Google Actualités diffuse des articles de presse.

  • Comme le souligne Marc Feuillée, président du SQPN (Syndicat de la presse quotidienne nationale) et directeur général du groupe Figaro, « ce vote est une formidable nouvelle pour les éditeurs, et la récompense de près de trois ans de travail. L’article 15 est une prise de conscience du rôle que joue la presse dans la qualité du débat démocratique, mais aussi de la nécessité de réguler les plateformes ». Quelques exceptions sont toutefois prévues, comme pour le site Wikipédia.

L’article 17 vise particulièrement les plateformes comme YouTube ou Facebook qui laissent leurs utilisateurs quasiment libres de publier n’importe quel contenu.

  • La loi actuelle oblige seulement les hébergeurs à réagir rapidement après le signalement de la diffusion d’une œuvre sans autorisation. La nouvelle directive les obligera désormais à conclure des accords avec les auteurs et à mettre en place des filtres avant la diffusion du contenu. Ce filtrage en amont a pour but d’empêcher les publications d’œuvres ou de parties d’œuvres protégées lorsque ceux qui les mettent en ligne ne détiennent pas l’autorisation de le faire.

YouTube a-t-il joué sur la peur pour rallier des opposants à l’article 13 ?

YouTube s’est placé en fer de lance de l’opposition à cet article 13 (nouveau 17) qu’il juge inapplicable. « Nous risquons de voir apparaître un YouTube à deux vitesses », avec « des contenus officiels, préformatés, venus de l’audiovisuel » et « des créateurs indépendants à la créativité réduite, avec des vidéos sur fond blanc et aux décors vides », déclarait la directrice des partenariats pour YouTube en Europe du Sud.

Peur de la censure, de la suppression de leur chaîne ou même de voir YouTube interdit en Europe, certains vidéastes se sont empressés de faire des vidéos contre l’article 13.

YouTube a « tout intérêt à faire du bruit pour que ça ne passe pas. Plus de pouvoir aux ayants droit, c’est plus d’argent à verser pour YouTube », a expliqué Éloise Wagner, une avocate spécialisée en propriété intellectuelle au site Numérama : « Ce qui me gêne c’est qu’ils font ça sans tout expliquer aux vidéastes. Ils les encouragent à se mobiliser contre l’article 13, mais ils se gardent bien de préciser que les vidéastes sont également des ayants droit. Et que de fait, leurs rémunérations pourraient augmenter si leurs droits d’auteurs étaient mieux protégés. »


Des questions demeurent sur la mise en place de la directive

En réalité, même si l’article 17 va significativement augmenter la responsabilité de YouTube au vu de ce qu’ils diffusent, la disparition totale de la plateforme parce qu’elle ne serait pas en mesure de filtrer efficacement les contenus que publient ses utilisateurs est très improbable.

Pour ce qui est des vidéastes, le texte actuel protègerait les créateurs de contenu amateurs qui ne monétisent pas leurs vidéos ou leur chaîne — c’est-à-dire qui ne contiennent pas de publicité, ou qui ne citent pas de produits — ainsi que les plateformes de diffusion plus petites qui n’ont pas de gros moyens financiers.

Cette directive a surtout pour but de mettre les GAFA face à leur responsabilité et d’éviter qu’ils ne tirent des profits colossaux sur le dos des artistes et des auteurs. Et les négociations sont loin d’être terminées.

Dans un premier temps, il faudra que la loi européenne soit transposée dans la loi française (d’ici 2 ans) et adaptée aux conditions spécifiques des droits d’auteur de notre pays et, dans un second temps, on attendra la réaction des plateformes :

  • Vont-elles affiner leurs techniques de filtrage de contenu ?
  • Vont-elles négocier un maximum de licences avec les auteurs ?

Ce qui est sûr c’est que dans leur course au profit, les GAFA n’ont certainement pas dit leur dernier mot.

Directive (EU) 2019 on copyright and related rights in the Digital Single Market.