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Les tribunaux d'instance et de grande instance fusionnent et deviennent des tribunaux judiciaires

Le 1er janvier 2020 marque la fusion des TI (Tribunaux d’instance) et TGI (Tribunaux de grande instance) pour devenir des tribunaux judiciaires. Selon le gouvernement, aucun site ne sera fermé pour conserver les juridictions de proximité, mais la démarche laisse les juges et magistrats dans « flou professionnel » incommodant. Explications.
Sommaire

Selon la réforme de la justice mise en place le 23 mars dernier, le gouvernement souhaite rationaliser les juridictions. C’est ainsi que les tribunaux de grande instance et d’instance ont fusionné le 1er janvier 2020. Voici les changements qui en découlent.

Les tribunaux d’instance et de grande instance fusionnent et deviennent des tribunaux judiciaires

L’état des lieux actuel

Les tribunaux d’instance et de grande instance sont des juridictions de proximité. Depuis 1958, les juges d’instance, également surnommés « les juges des pauvres », avaient pour habitude de traiter les affaires dont les sommes en jeu étaient inférieures à 10 000 euros.

Ainsi, leur rôle était de trancher les affaires de la vie courante, pouvant relever de travaux mal exécutés, de conflits suite à un accident de circulation, d’expulsions locatives, de dettes, tutelles, etc.

Le nouveau visage de la justice française

Cela fait plus de deux ans qu’il est question de réorganiser les institutions judiciaires. Selon Nicole Belloubet, garde des Sceaux, il est nécessaire que l’accès à la justice ne se fasse que par le biais d’une « porte unique ». En effet, les affaires étaient jusqu’alors généralement attribuées au tribunal d’instance ou de grande instance, en fonction du montant du litige.

Au 1er janvier 2020, les 285 tribunaux d’instance et les 164 tribunaux de grande instance du territoire fusionnent pour donner naissance à une seule institution : le tribunal judiciaire.

Une fusion est obligatoire dès lors qu’un TGI est situé dans la même commune qu’un tribunal d’instance. Cela concerne pas moins de 57 % des tribunaux. Dans le cas où le tribunal d’instance est situé dans une autre commune, il devient alors une chambre détachée du tribunal judiciaire. Son nom change également pour devenir le « tribunal de proximité ».

Cette modernisation de la justice permettrait, selon le gouvernement, de perfectionner les tribunaux et de réduire les dépenses liées à leur fonctionnement.

Quels sont les changements attendus dans les tribunaux ?

Étant des juridictions de proximité, les magistrats et avocats ont peur que l’accès aux juges soit plus complexe et que les petites juridictions soient ainsi dévitalisées. Pour autant, même si la fusion des deux entités est proclamée, l’État indique et insiste sur le fait qu’aucun site ne sera fermé.

Autre changement, les juges d’instance ne seront plus appelés comme tels. Leur titre sera désormais « juges des contentieux de la protection ». Toutefois, les magistrats spécialisés dans les affaires liées aux vulnérabilités économiques et sociales resteront en place. En effet, la garde des Sceaux a dû renoncer à supprimer cette profession après un soulèvement des opposants à la réforme. Cependant, le manque d’informations concernant les compétences desdits magistrats ne les rassure guère.

Certains tribunaux de proximité se verront attribuer des compétences supplémentaires, cela afin de « s’adapter aux besoins particuliers des territoires ». Divers décrets indiqueront lesquelles, mais pour l’heure, le calendrier précis n’est pas connu.


Quels sont les changements à prévoir pour les citoyens ?

Jusqu’à présent, les particuliers pouvaient se rendre au greffe du tribunal d’instance pour que leur affaire soit plaidée. Désormais, avec la nouvelle réforme et la fusion des tribunaux, les particuliers seront plus souvent renvoyés vers des procédures dématérialisées. En effet, si ceux-ci le souhaitent, leur affaire pourra alors être traitée sans audience. La procédure sera alors entièrement écrite, mais, en fonction des affaires, le juge pourra alors demander une audience s’il estime que cela est nécessaire.

Enfin, la représentation par un avocat qui était auparavant facultative pour certaines affaires devient désormais obligatoire dans de nombreux cas.

Les juges, avocats et magistrats toujours dans l’incertitude

Céline Parisot est présidente de l’USM (Union syndicale des magistrats). Pour elle, le bouleversement de cette réforme est trop abrupt et manque de clarté. « Est-ce que beaucoup de cabinets de juges d’instruction vont être supprimés ? De juges d’application des peines ? On ne sait pas, on n’a aucune visibilité. »

Un discours rejoint par celui de Kathia Dubreuil, présidente du SM (Syndicat de la magistrature), qui déplore une absence de communication et de concertation. « Nos collègues ne savent pas ce que les chefs de cour ont proposé à la ministre ».

Pour les professionnels de la profession, cette fusion a été conduite à l’aveugle et dans la précipitation. Les magistrats n’hésitent pas à parler d’économies d’échelle, réalisées par la mutualisation des effectifs de greffes des tribunaux et des conseils de prud’hommes. L’annonce du maintien des sites dans l’hexagone, malgré la fusion, ne rassure guère les syndicats, qui redoutent, in fine, la fermeture des tribunaux de proximité.