Passées À venir

Création d'un fichier biométrique de mineurs isolés étrangers

Pour évaluer l’âge des jeunes étrangers qui sollicitent l’aide sociale à l’enfance, un décret vient d’autoriser la création d’un fichier biométrique d’appui à l’évaluation de la minorité. Un point sur ce dispositif.
Sommaire

Le 31 janvier dernier, un décret publié au Journal officiel a autorisé la création d’un fichier biométrique qui recense les mineurs isolés étrangers souhaitant bénéficier de l’ASE (Aide sociale à l’enfance). Le but est de faciliter le travail des Conseils départementaux et de lutter contre l’immigration illégale. Un texte qui suscite l’hostilité de nombreuses associations.

Création d’un fichier biométrique de mineurs isolés étrangers

Un soutien de l’État aux Conseils départementaux

Depuis de nombreuses années, les Conseils départementaux souhaitent que l’État s’investisse davantage dans l’accompagnement des MIE (Mineurs isolés étrangers).

Le ministère de l’Intérieur a fourni une réponse le 31 janvier 2019, avec un décret dont le but est de faciliter l’évaluation de l’âge des demandeurs dans chaque département, et de faire face au détournement de ce système par des majeurs qui souhaitent migrer illégalement en France. La CNIL a validé la mise en place du fichier.

L’ADF (Assemblée des départements de France) s’est réjouie de cette mesure. Elle considère que les questions migratoires sont du domaine de compétence de l’État et que c’est à lui de traiter ces problématiques.

Une procédure effectuée en amont de l’évaluation des services de l’ASE

Dorénavant, les conseils départementaux peuvent demander le soutien des préfectures pour déterminer l’âge d’un demandeur.

À la demande du service de l’ASE, la préfecture peut rencontrer le demandeur et vérifier qu’il n’apparaît pas sur les fichiers AGEDREF ou VISABIO, au titre d’une demande de titre de séjour ou de visa. Elle s’appuie également sur ce nouveau fichier biométrique, nommé AEM (Appui à l’évaluation de minorité) qui est censé répertorier toutes les personnes étrangères qui ont déjà fait l’objet d’une demande auprès d’un département. La préfecture complètera également ce fichier avec les informations d’état civil et les données biométriques du mineur qu’elle reçoit pour permettre une meilleure prise en charge, et un suivi en cas de déplacement au sein d’un autre département.

Si l’ensemble des informations permettent d’établir la minorité du jeune, il sera orienté vers les services de l’aide sociale à l’enfance du département.

Puis après avoir procédé à l’évaluation de la situation du jeune, l’ASE doit communiquer les résultats à la préfecture afin qu’elle puisse enrichir le fichier AEM.

Le fichier d’appui à l’évaluation de minorité sera d’abord testé dans 3 préfectures : le Bas-Rhin, l’Essonne et l’Isère avant d’être étendu à toute la France au printemps 2019.

Le nombre de mineurs étrangers isolés en hausse

Selon les données de l’ADF, le nombre de mineurs isolés étrangers a connu une forte hausse depuis 2015. Les départements ont pris en charge 40 000 jeunes en 2018. Un chiffre en constante augmentation. On en comptait 25 000 en 2017 et 13 000 en 2016.

Les espaces d’accueil pour les mineurs sont actuellement congestionnés. Cette situation de tension est liée au déplacement de certains étrangers qui effectuent des demandes dans plusieurs départements pour espérer augmenter la probabilité d’être considérés comme mineurs. Ils espèrent bénéficier de la protection de l’enfance.

Avec ce fichier national, le Ministère de l’Intérieur souhaite lutter contre ces dérives. Le gouvernement entend lutter « contre la fraude à l’identité et la fraude documentaire ».


Un dispositif qui divise

Les associations sont opposées à ce dispositif qu’elles jugent répressif. C’est le cas de l’Unicef, l’Armée du Salut ou encore de Médecins du Monde qui considère que l’on va « encore plus éloigner les jeunes de la protection de l’enfance ». Le 28 février dernier, près de 20 associations ont saisi le Conseil d’État pour faire annuler ce dispositif.

Le Défenseur des droits avait également demandé le retrait de cette mesure. Il estime que ce fichier « porte atteinte au respect de la vie privée » des jeunes, et « qu’ils sont considérés d’abord comme des étrangers fraudeurs plutôt que comme de potentiels enfants en danger ».

Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a quant à lui indiqué que ce dispositif avait « naturellement fait l’objet des consultations prévues par la réglementation » et « vise avant tout à la protection de l’enfance ».