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Exposition aux polluants : 6 substances détectées dans l'organisme des Français

Santé publique France a dévoilé les résultats d’une vaste enquête sur les polluants imprégnés dans les organismes des citoyens. Explications.
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6 polluants, dont un dont on ne dispose pas du recul suffisant pour en connaître les effets sur la santé des Hommes, ont été retrouvés dans les organismes de tous les Français participant à l’enquête menée par Santé publique France (SPF). Une révélation qui tombe au même moment que la présentation de la feuille de route du gouvernement contre les perturbateurs endocriniens.

Exposition aux polluants : 6 substances détectées dans l'organisme des Français

Pourquoi avoir mené une telle étude ?

C’est la toute première fois que Santé publique France mène une enquête d’une telle envergure. Il s’agit de l’étude Esteban (Étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition). Lancée en 2014, elle avait pour but de suivre l’état de santé d’un échantillon de population et notamment son exposition aux polluants. Les résultats ont été publiés ce mardi 3 septembre.

Toutes les mesures ont été prises entre 2014 et 2016 sur 1 104 enfants et 2 503 adultes représentatifs de la population de l’hexagone et habitant en métropole. Santé publique France a traqué pas moins de 70 substances nocives dans le corps des volontaires à l’étude, par le biais de prélèvements d’urines, de sérum et de cheveux. Les participants ont ensuite répondu à des questionnaires sur leurs habitudes quotidiennes, cela afin de pouvoir dresser une liste hypothétique des sources polluantes. Sur ces 70 substances, 6 ont été retrouvées chez quasiment 100 % des sujets.

Par cette étude SPF a cherché à identifier les sources d’exposition probables, car il s’agit d’une véritable préoccupation sanitaire. Les intérieurs des logements sont plus pollués que l’air extérieur. En cause : les produits ménagers, les peintures, les matériaux de construction, les produits cosmétiques, etc.

En revanche, l’étude ne peut préciser le degré de gravité sanitaire pour la population. Le recul est trop faible pour avoir des données fiables sur le sujet, c’est du moins ce qu’annonce Clémence Fillol, responsable de la surveillance biologique à Santé publique France.

De quels polluants parlons-nous et d’où proviennent-ils ?

L’étude visait à déterminer la présence de 70 polluants dans l’organisme et parmi eux, 6 sont considérés comme étant cancérogènes avérés ou potentiels ou perturbateurs endocriniens : bisphénol A, S et F, phtalates, parabènes, éthers de glycol, retardateurs de flamme bromés et les composés perfluorés.

Tous ces polluants sont essentiellement présents dans les produits ménagers, les peintures, les produits du quotidien : cosmétiques, alimentation, emballages, etc. Si certains sont déjà interdits en France (comme le bisphénol A dans les contenants alimentaires depuis 2015, les phtalates ou les perfluorés), d’autres continuent d’envahir les produits quotidiens. Voici plus de détails.

Les bisphénols

Le bisphénol A est un perturbateur endocrinien avéré par l’OMS, présumé toxique pour la reproduction et classé comme substance préoccupante. Il a été remplacé par les bisphénols F et S, suspectés des mêmes désagréments.

On les retrouve dans les plastiques, emballages alimentaires, papiers thermiques, mais aussi dans les peintures, vernis, etc.

Pour les éviter, il ne faut pas consommer de produits alimentaires transformés et vendus dans des barquettes en plastique (poissons, etc.). Il faut également bien aérer son logement.


Les éthers de glycol

Il s’agit d’un solvant contenant pas moins de 80 composés. Ils se retrouvent dans les peintures, les encres, les colles, les produits ménagers, les cosmétiques et certains produits phytosanitaires.

Les éthers de glycol entraînent des effets toxiques sur la reproduction et le développement. Au moins 8 métabolites recherchés étaient présents sur la population testée et certains taux étaient largement au-delà du seuil sanitaire établi à l’étranger.

Pour les éviter, il faut vérifier les cosmétiques et les produits ménagers utilisés.

Les parabènes

Il s’agit d’agents conservateurs utilisés dans les cosmétiques, l’alimentation et les produits pharmaceutiques.

Les risques ne sont pas confirmés, mais les parabènes sont suspectés d’augmenter les risques de cancer et pourraient être des perturbateurs endocriniens.

Chez 90 % des personnes testés, le méthyl-parabène était présent avec un niveau plus élevé chez les enfants que les adultes. Pour les éviter, il faudrait ne plus utiliser de cosmétiques en contenant (vernis à ongles, soins pour le corps, crèmes, shampooings, etc.).

Composés perfluorés (PFC)

Ils se retrouvent dans les biens de consommation courants et les produits industriels. Certains d’entre eux sont interdits, mais perdurent dans l’environnement. Il s’agit de produits cancérogènes et perturbateurs endocriniens.

7 composés ont été retrouvés chez 40 % des adultes et 6 chez 100 % des enfants.

Pour les éviter, il est recommandé d’aérer le logement aussi souvent que possible, ralentir la consommation de poissons et fruits de mer et veiller à utiliser des matériaux de construction plus sains.

Les phtalates

On les retrouve dans les emballages alimentaires, les jouets, les cosmétiques, les produits d’entretien, etc. Ce sont des perturbateurs endocriniens et la plupart sont même toxiques pour la reproduction.

Entre 80 et 99 % des adultes et enfants faisant partie de l’étude Esteban en étaient imprégnés. Cela signifie que malgré l’interdiction de leur usage, ces produits sont persistants.

Pour les éviter, il faudrait réduire l’utilisation de cosmétiques ou les choisir bio (produits pour cheveux essentiellement), éviter les revêtements en vinyle et éviter de fumer.

Les retardateurs de flamme bromés

Ce sont des produits utilisés pour rendre les matériaux moins inflammables et notamment les meubles et textiles. Leur usage est soumis à réglementations, mais on les retrouve encore jusque dans l’alimentation.

Les retardateurs de flamme bromés ont des répercussions sur le diabète, sur le développement neurocomportemental, la reproduction, le cancer et le fonctionnement de la thyroïde.

Pour les éviter, il faut réduire le temps passé en voiture, aérer au maximum son logement et réduire sa consommation de fromages.

Les enfants plus touchés que les adultes

L’étude révèle que tous les Français participants à cette étude étaient porteurs de molécules de polluants. Les niveaux d’imprégnation sont même comparables à ceux d’autres études similaires menées à l’étranger (États-Unis et Canada), avec des données plus faibles concernant les retardateurs de flamme et les parabènes.

Les résultats prouvent que l’utilisation de cosmétiques et divers soins augmentent l’imprégnation en parabènes et éthers de glycol. De même, plus les logements sont aérés et plus le taux d’imprégnation des composés perfluorés ou des retardateurs de flamme bromés sont bas.

Les enfants sont plus imprégnés que les adultes, certainement dû au fait du syndrome « main bouche ». Ils sont aussi plus exposés aux poussières domestiques et aux produits chimiques, car les parents ont souvent la phobie des microbes et nettoient plus que de raison les environnements où l’enfant évolue. De même le ratio entre leur poids et leur imprégnation peut aussi expliquer cette donnée.

Quelles sont les actions du gouvernement face à ces polluants quotidiens ?

Les ministres de l’Écologie, Élisabeth Borne et de la santé, Agnès Buzyn présentent actuellement leur nouvelle stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE).

Cette initiative a pour but d’informer les Français tout en protégeant la population en dévoilant certaines connaissances scientifiques sur les produits. En parallèle, l’Agence de sécurité sanitaire (Anses) avait déjà publié un avis sur 5 polluants quotidiens en 2017 en informant la possibilité que le triclocarban (antibactérien et antifongique) soit un possible perturbateur endocrinien. Elle sera en charge de dresser une liste des perturbateurs endocriniens connus en expertisant 6 substances en 2020 et 9 à compter de 2021.

L’état procède par étapes

Avant la fin de l’année, un site dédié aux produits chimiques sera en ligne et diffusera des informations à l’attention des citoyens français. Celui-ci répertoriera les perturbateurs présents dans les produits de consommation courante.

Ensuite, le SNPE va durcir les mesures de contrôle, essentiellement dans le cadre de la réglementation européenne, afin de chercher des solutions alternatives. L’étude de Santé publique France révèle aussi une première donnée fiable pour « construire des valeurs sanitaires » et instruire des seuils à ne pas dépasser.

Enfin, deux autres résultats d’études sont en attente. Ils concernent l’exposition aux métaux et l’exposition aux pesticides. Les données seront rendues publiques dans un second temps.