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Un parieur de Loto Foot attaque en justice un footballeur qu'il considère responsable de sa perte au jeu

En 2010, un parieur de Loto Foot a raté un gain de 375 000 euros à cause du résultat « injuste » d’un match, où un but a été validé malgré le hors-jeu du buteur. Le parieur déçu a donc intenté une action en justice à l’encontre du joueur et de son club en demandant une réparation financière du préjudice subi. La Cour de cassation a rendu un arrêt sur la question. Qu’en est-il ?
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Les paris sportifs déchainent les passions et pour cause, c’est parfois de grosses sommes qui sont en jeu. Un parieur déçu, qui avait parié sur 14 matchs du Loto Foot avait prédit correctement tous les résultats sauf 1. Dans le match « manquant », un but a été accordé malgré une faute du buteur. Sans ce but, le parieur gagnait « le gros lot ». Il a donc intenté une action en justice contre le joueur et son club pour le préjudice subi. Quelle est la décision de la Cour de cassation ?

Un parieur de Loto Foot attaque en justice un footballeur qu’il considère responsable de sa perte au jeu


Faute d’un joueur, erreur d’arbitrage, mais le but n’est pas annulé

Pour le match Lille-Auxerre, le parieur, Marc P, avait prévu un score de 0-0, mais le score officiel à la fin du match a été de 1-0 pour Lille avec un but de Moussa Sow, malgré sa position de hors-jeu sur l’action.

Malgré l’erreur d’arbitrage relayée dans les médias, le but n’a pas été invalidé et la Fédération Française des jeux s’en est tenu au résultat officiel de 1-0. Marc P a donc pronostiqué avec succès 13 matchs sur 14, et a réalisé un gain de 5538 euros.

On peut imaginer la déception de ce parieur, que cette faute et ce but « injustement validé » ont empêché de gagner les 375 000 euros en cas de 100 % de bonnes prévisions sur le score final des matchs de foot (1 500 000 euros divisés par 4 gagnants).

Le parieur assigne le joueur et son club en justice

En mars 2014, Monsieur P a attaqué le joueur et le club en justice et a demandé réparation du préjudice subi, soit la « perte » du gain maximum au Loto Foot. Il réclamait 1 500 000 euros de réparation en invoquant l’article 1382 du Code civil, selon lequel « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer », car pour le parieur, le joueur a véritablement commis une faute « intentionnelle », résultant de la « volonté de tirer profit d’une situation hors-jeu ». Et que cette faute lui a fait perdre la chance de réaliser un gain.

Pour appuyer sa requête, le parieur a produit des articles de presse relatant la faute du joueur et « la victoire imméritée du Losc » et même une déclaration du joueur « avouant » son hors-jeu, mais les juges ont considéré que « les déclarations des joueurs et les analyses des journalistes sportifs, même expérimentés, faites après le match, ne peuvent se substituer à la compétence arbitrale, et ne peuvent permettre de retenir le caractère illicite du but inscrit ».

La faute du joueur pendant le jeu n’est pas une faute civile

Il y a une différence importante entre commettre une faute dans un cadre sportif, qui relève d’une transgression des règles de jeu, défini par le règlement et commettre une faute intentionnelle et préjudiciable qui dépasse le simple cadre technique du jeu.

Concrètement, un joueur de football pourrait être mis en cause s’il y avait volonté de tricher ou de blesser autrui, mais dans cette affaire, où il s’agit d’un hors-jeu et que le joueur en question, n’a pas, par sa faute de jeu, intentionnellement voulu porter préjudice au parieur, sa responsabilité concernant les résultats du Loto Foot et leurs conséquences n’est pas engagée.

Dans son arrêt rendu le 14 juin 2018, la Cour de cassation a estimé que « seul un fait ayant pour objet de porter sciemment atteinte à l’aléa inhérent au pari sportif est de nature à engager la responsabilité d’un joueur et, le cas échéant, de son club, à l’égard d’un parieur ».

Et que quand bien même la position de hors-jeu du joueur était avérée après le match et le but considéré « immérité », « cette transgression de la règle sportive ne constituait pas un fait de nature à engager [la] responsabilité [du footballeur], ou celle de son club, envers un parieur ».