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La police ne peut plus utiliser de drones pour nous surveiller

Pendant le premier confinement, la police et la gendarmerie ont utilisé des drones pour surveiller les citoyens. Après le Conseil d'État en décembre, c'est au tour de la CNIL de sanctionner le ministère de l'Intérieur.
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Alors qu’il y a encore peu de temps, il était possible à la police et à la gendarmerie de constater des infractions par drone, ce temps est révolu. Cette pratique devenue courante, presque banale, a été passée au crible par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et a été mise à mal. Découvrez ici pourquoi.

La police ne peut plus utiliser de drones pour nous surveiller

Interdiction d’usage des drones par les forces de l’ordre : la loi ramenée au sol

Alors qu’ils servaient habituellement aux agents des forces de l’ordre pour la surveillance de pratiques illégales, c’est lors du confinement du printemps 2020 que des drones se sont envolés non pas pour des personnes malhonnêtes, mais pour les citoyens.

Équipés de caméras, ces drones ont servi d’outil pour surveiller le respect des mesures de confinement par les forces de l'ordre. C’était sans compter sur la vigilance des associations de lutte pour les libertés individuelles et sur l'inquiétude légitime des Français, compte tenu de l'utilisation faite de ces drones de surveillance.

Une première décision du Conseil d'État, en décembre 2020, a interdit leur utilisation. Aujourd’hui, c'est au tour de la CNIL de sanctionner le ministère de l'Intérieur. En effet, dans sa délibération du 12 janvier 2021, la formation restreinte de la Commission nationale de l'informatique et des libertés sanctionne ce ministère pour l'usage de drones équipés de caméras.

Comment la CNIL a-t-elle fait interdire l’usage d’engins volants ?

Si l’usage des drones est si controversé, c’est qu’il n’a tout simplement aucun cadre légal. D’ailleurs, au cours de la procédure, l’Intérieur avait avoué l’illégalité du recours à des drones.

« Aucun cadre législatif ou réglementaire ne vient autoriser et encadrer les traitements de données à caractère personnel nés de l’utilisation par le ministère de l’Intérieur de drones équipés d’une caméra », est-il écrit dans la décision. « En indiquant que des travaux sont engagés pour élaborer un cadre légal dans les plus brefs délais, le ministère de l’Intérieur confirme ce point », poursuit la CNIL.

La CNIL, garant des droits à l’image et à l’information sur l’usage des données personnelles des Français rappelle l’État à l’ordre :

  • « Gravité du manquement relatif à la licéité des traitements » ;
  • « risques importants pour les droits et libertés des personnes » ;
  • « évolutions technologiques » qui « rendent les drones de plus en plus discrets avec des capacités augmentées de captation de leurs caméras » ;
  • « risques encore plus importants pour les droits et libertés » ;
  • « possibilité de reconnaissance faciale »...

Autant d’arguments soulevés par cette autorité pour contraindre l’État à cesser ces agissements. Si aucune amende n’est infligée, la sanction reste cependant sans appel.

Ainsi, le 12 janvier 2021, la Commission indique dans son communiqué que l’interdiction d’utiliser des drones « vise toutes les utilisations de drones par les services du ministère de l’Intérieur (services de police et de gendarmerie, sur l’ensemble du territoire national) pour les traitements visant à prévenir ou détecter les infractions pénales, à mener des enquêtes et à poursuivre leurs auteurs, ou ayant pour but la protection contre les menaces pour la sécurité publique ».

Pourquoi le ministère de l’Intérieur utilisait-il les drones ?

Selon les déclarations du ministère de l'Intérieur, l'usage de drones équipés de caméras était justifié pour :

  • vérifier le respect des mesures de confinement lors de l’épidémie de Covid-19 ;
  • surveiller le bon déroulement des manifestations ;
  • effectuer des missions de surveillance de police judiciaire ;
  • surveiller des rodéos urbains.

Fort de ce constat, la CNIL a vérifié le bien-fondé de ces opérations en faisant procéder à des vols de drones par la préfecture de police de Paris en juillet 2020. Elle constate alors que les personnes filmées par de tels dispositifs sont aisément identifiables.

À l'issue de cette procédure, la CNIL conclut que le ministère a manqué à plusieurs obligations de la loi informatique et liberté. C’est le point de départ de leur enquête qui mènera ensuite à la décision de janvier 2021.

Ainsi, le ministère de l’Intérieur, qui, selon la délibération, qualifiait de « nécessité opérationnelle indéniable » l’utilisation des drones et se refusait à y « renoncer », même à titre temporaire devra bel et bien renoncer à leur usage et ramener la surveillance du terrain sur terre.