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Immeuble menaçant ruine : qui supporte la facture des travaux ?

Un arrêt de la Cour de cassation apporte des précisions quant à l’étendue du pouvoir des maires de faire démolir un immeuble menaçant ruine et frappé d’un arrêté de péril non pris en compte par le propriétaire.
Sommaire

Dans un arrêt rendu le 5 juillet 2018, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a estimé que la commune ne peut agir pour le compte et à la charge du propriétaire d’un immeuble menaçant ruine que lorsqu’elle fait régulièrement usage du pouvoir d’action d’office qui lui est conféré.

Immeuble menaçant ruine : qui supporte la facture des travaux ?

Non-exécution des travaux par le propriétaire : quelle est la procédure ?

Un arrêté de péril peut être pris par la commune dès lors qu’un immeuble présente des risques pour les personnes. La loi du 21 juin 1898 ne prévoit la mise en œuvre du pouvoir de police que si un intérêt général l’exige. Autrement dit, si l’effondrement d’un immeuble n’est susceptible de causer aucun trouble pour l’ordre public, l’administration ne pourrait donc pas intervenir. Plus concrètement, après avoir pris connaissance des dangers menaçant l’édifice, le maire doit informer le propriétaire qu’une procédure de péril est sur le point d’être engagée.

Une procédure de péril ordinaire est mise en œuvre lorsque l’immeuble ou ses parties communes présentent un danger non immédiat. Dans ce cas, le propriétaire est invité à faire part de ses observations au maire, de préférence par lettre recommandée avec avis de réception, dans le mois suivant la notification. Sans réponse de sa part, le maire prend un arrêté de péril ordinaire afin de mettre en demeure le propriétaire d’effectuer les travaux dans un délai qu’il fixe. Cet arrêté peut être assorti d’une interdiction d’habiter les lieux si l’immeuble ne permet pas de garantir la sécurité de ses occupants. Si les travaux n’ont pas été exécutés dans le délai prévu, le maire peut les faire réaliser d’office majorés d’intérêts à la charge du syndic ou du propriétaire. Le syndic s’expose également à des poursuites pénales.

Une procédure de péril imminente est engagée lorsque l’immeuble présente un danger grave et actuel. Dans ce cas, le maire doit saisir le tribunal administratif qui nommera un expert en référé afin de connaître l’état de solidité de l’immeuble. L’expert rendra un rapport concluant à l’existence ou non d’un péril imminent. Si le rapport fait part de l’existence d’un péril imminent, le maire prend un arrêté de péril imminent visant à mettre en demeure le propriétaire ou le syndic d’effectuer les travaux dans le délai fixé. Si le rapport conclut à un péril non imminent, le maire doit prendre un arrêté de péril ordinaire.

Précisons que le maire est en droit d’ordonner la démolition partielle d’un immeuble dans le but de supprimer les éléments dangereux. Il peut également prescrire la démolition de la totalité de l’immeuble si celui-ci présente un danger d’une gravité exceptionnelle.

Un maire peut prendre un arrêté de péril sur la base d’un référé

En l’espèce, un incendie s’est produit en 1999 endommageant un immeuble de la commune de Marmande. En mars 2002, le maire avait pris un arrêté de péril imminent ordonnant au propriétaire d’effectuer les travaux de sécurisation nécessaires. En avril 2008, s’appuyant sur le rapport d’un expert désigné par le tribunal administratif identifiant l’existence d’une grave menace à la sécurité publique, le maire avait pris un arrêté de péril ordinaire prescrivant la démolition totale de l’immeuble. Les travaux n’ayant pas été réalisés dans les délais prévus, le maire avait saisi le tribunal administratif demandant l’autorisation de procéder à sa démolition, conformément à l’article L511-2 du Code de la construction et de l’habitation. Sur la base d’une ordonnance rendue cette même année, le propriétaire a été enjoint de procéder à la démolition de l’immeuble.

Cependant, le tribunal administratif de Bordeaux saisi d’un recours intenté par la commune de Marmande contre le propriétaire pour obtenir remboursement du coût des travaux de démolition a annulé l’arrêté de péril ordinaire pris par le maire en 2008. Par ailleurs, dans un jugement du 12 septembre 2012, la commune obtient de la cour d’appel d’Agen la condamnation du propriétaire à lui verser la somme de 42 757 euros.

Saisie par le propriétaire, la Cour de cassation précise que les préjudices financier et moral sont liés à la propre inertie du demandeur et au manque de soins apportés au bien menaçant ruine. Néanmoins, suite à l’annulation de l’arrêté de péril par le tribunal administratif de Bordeaux, l’assignation faite au propriétaire de rembourser les frais de démolition n’a plus de base légale. La Cour, dans son arrêt du 5 juillet 2018, explique que pour agir pour le compte et à la charge du propriétaire, la commune doit faire usage des pouvoirs d’exécution forcée qui lui sont confiés. L’irrégularité de la procédure liée à l’illégalité de l’arrêté de péril ne permet pas de mettre à la charge du propriétaire le paiement des frais de démolition. Ainsi, la Cour de cassation a cassé et annulé le jugement rendu par la cour d’appel d’Agen. Cet arrêt montre qu’il peut être imprudent pour le propriétaire de conserver une ruine. En effet, en cas de danger, sa démolition peut réduire à néant sa valeur et le propriétaire peut être tenu de rembourser les frais qui en résultent.