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L'appréciation de la proportionnalité de la caution d'une personne mariée selon la Cour de cassation

Un arrêt récent de la Cour de cassation rappelle le régime applicable d’une caution. Il précise notamment que l’appréciation de la disproportion du cautionnement à l’égard de la caution d’une personne mariée sous le régime de la communauté légale doit se faire par rapport à l’ensemble des biens et revenus du couple.
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Dans un arrêt du 6 juin 2018, la chambre commerciale de la Cour de cassation indique qu’un chef d’entreprise qui souhaite cautionner l’emprunt de sa société peut invoquer ses biens propres, mais également les biens communs aux 2 époux. Cependant, cela ne signifie pas pour autant que ces derniers seront engagés pour garantir la dette.

L’appréciation de la proportionnalité de la caution d’une personne mariée selon la Cour de cassation

Distinguer le gage du créancier de l’époux caution

L’article L. 332-1 du Code de la consommation interdit à un créancier professionnel d’invoquer un contrat de cautionnement manifestement disproportionné avec les revenus et les biens de la caution, lors de sa signature, à moins que le patrimoine de cette dernière ne lui permette d’assumer cette obligation lorsqu’elle est appelée.

S’agissant du gage du créancier de l’époux qui se porte caution, 4 hypothèses ressortent des articles 1414 et 1415 du Code civil. La première, le chef d’entreprise cautionne seul l’emprunt de sa société, sans l’accord de son conjoint. Le gage du créancier est alors limité aux revenus et biens personnels de l’époux caution.

La seconde, l’époux cautionne cet emprunt avec le consentement de son conjoint, auquel cas le gage du créancier s’étend aux biens appartenant à la communauté.

La troisième, l’entrepreneur cautionne avec l’accord de son conjoint qui devient partie à l’acte. Dans cette situation, tous les biens, propres et personnels, sont engagés.

La quatrième, l’époux cautionne muni de l’autorisation de son conjoint assortie d’une clause de solidarité ou pour une dette entrant dans le cadre fixé par l’article 220 du Code civil. Tous les biens, propres et communs aux époux, seront alors engagés.

Dans tous les cas, si l’engagement de l’époux caution apparaît disproportionné par rapport à ses revenus et biens, le créancier ne pourra le poursuivre, sauf si le patrimoine du débiteur satisfait cette obligation au moment de la poursuite. Une question se pose naturellement : comment la disproportion manifeste du cautionnement doit-elle être appréciée en présence d’une caution mariée ? La réponse n’est pas uniforme et nécessite de connaître le régime matrimonial de la personne qui se porte caution.

Dans un arrêt du 6 juin 2018, la Cour de cassation persiste en indiquant que l’appréciation de la disproportion du cautionnement à l’égard de la caution d’une personne mariée sous le régime légal est établie par rapport à tous les biens et revenus du couple. Dans cette affaire, un époux s’était porté caution du remboursement d’un prêt accordé par une banque à une société. L’entreprise a été mise en liquidation judiciaire et la banque a assigné la caution pour récupérer les sommes prêtées. Les juges du fond ont considéré que le cautionnement apparaissait manifestement disproportionné à ses biens et revenus. Ils ont donc rejeté les demandes formulées par la banque mentionnant que l’épouse de la caution avait accepté d’engager des biens communs. L’appréciation de la proportionnalité de l’engagement doit être faite uniquement par rapport à la part de la caution dans ses biens et ses revenus. Par conséquent, l’arrêt rendu par la cour d’appel de Toulouse a été cassé au visa de l’article L. 341-4 du Code de la consommation. Autrement dit, la Cour de cassation estime que l’étendue du gage des créanciers n’a pas d’incidence sur la détermination de la capacité financière de la caution.

Le cas d’un époux marié sous un régime séparatiste

Dans un arrêt du 24 mai 2018, la chambre commerciale a précisé que l’éventuelle disproportion de l’engagement d’une caution mariée sous le régime de la séparation des biens s’apprécie par rapport à ses seuls biens et revenus personnels. La Cour avait ainsi cassé un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui avait condamné un époux à régler plus de 34 400 € à une entreprise, son engagement représentant près de 2 années de revenus professionnels. Pour qu’il honore son paiement, la Cour s’était appuyée, à tort, sur les revenus et le patrimoine de sa conjointe.